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Les instruments

Clavecin Pleyel n°79259 (1930). Inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques le 29 février 2024

Pleyel, maillon essentiel de la renaissance du clavecin

Tombé en désaffection durant la première moitié du XIXe siècle, le clavecin est redevenu, depuis les années 1950, un instrument pratiqué et apprécié. En lien direct avec le grand mouvement de redécouverte de la musique ancienne et baroque porté par des personnalités de premier plan comme Gustav Leonhardt, le clavecin d’aujourd’hui s’inspire presque exclusivement des modèles anciens des XVIIe et XVIIIe siècles, âge d’or de la facture.

Mais il ne faut pas oublier que ce mouvement n’aurait pu voir le jour dans les mêmes conditions s’il n’avait pas été préparé lors d’une phase intermédiaire antérieure, dont on commence tout juste à mesurer l’intérêt et la qualité. Si le clavecin et le clavicorde n’ont jamais vraiment totalement disparu, on peut considérer que le point de bascule de leur retour progressif au premier plan se situe durant le dernier quart du XIXe siècle. Plus précisément, l’année 1889 fut fondatrice. Lors de l’Exposition Universelle de Paris qui célébrait le centenaire de la Révolution, des clavecins nouveaux étaient présentés pour la première fois, par les grandes marques de pianos Érard et Pleyel, à côté d’un Taskin de la fin du XVIIIe siècle et de sa copie par Louis Tomasini. La dynamique était lancée, conduisant par étapes progressives vers le clavecin « historique ».

clavecin Pleyel, Exposition universelle de 1889
clavecin Pleyel, Exposition universelle de 1889

À l’intérieur de cette dynamique, la place de Pleyel est tout à fait intéressante et originale, puisque cette Maison, alors dirigée par Gustave Lyon, allait résolument s’orienter vers l’idée d’un clavecin « moderne ». Figure atypique du monde de la facture instrumentale, Gustave Lyon est sorti de l’École Polytechnique en 1879 et de l’École des Mines en 1882. Il entre chez Pleyel en 1883, devenant aussi le gendre du directeur de l’époque, Auguste Wolff.

Gustave Lyon
Gustave Lyon

Lyon est musicien, homme d’affaires, mais c’est surtout un ingénieur, qui pose un regard technique et scientifique sur la construction des instruments. Sur les pianos, bien sûr, mais peut-être surtout sur les clavecins. Comme cela a déjà été dit plus haut, Pleyel présente ses premiers instruments en 1889. Mais c’est à partir de la fin du siècle que s’ouvre une voie nouvelle conduisant, en 1912, à la création d’un instrument complètement à part, reprenant le principe traditionnel de production du son du clavecin (une corde pincée par un plectre fixé sur un sautereau), mais environné de nombreuses innovations : cadre métallique et claviers semblables à ceux du piano, étouffoirs autonomes, commande des jeux par des pédales, chevilles micrométriques permettant un accord extraordinairement stable. Le clavecin Pleyel est une machine digne de l’imagination de Jules Verne !

Si Lyon apporte son regard technique, la dimension artistique est largement portée par la grande figure de Wanda Landowska. Pianiste d’origine polonaise, Landowska a consacré l’essentiel de sa vie à la promotion du clavecin et de la musique ancienne, à laquelle elle consacre un livre très militant en 1909. Attachée à la maison Pleyel, affectivement et commercialement, elle fait la promotion des instruments dans le monde entier et propose des innovations, comme l’introduction d’un jeu grave de seize pieds (16’) au clavier inférieur, créant ainsi un nouvel idéal sonore, inspiré des grands instruments allemands du XVIIIe siècle. C’est sur ce grand modèle de clavecin qu’elle réalise en 1933 le tout premier enregistrement des Variations Goldberg de Bach. Elle y restera fidèle jusqu’à sa mort, en 1959.

Wanda Landowska au clavecin Pleyel
Wanda Landowska au clavecin Pleyel

Landowska fait de ce nouveau clavecin le vecteur de la redécouverte du répertoire ancien. Mais elle suscite aussi l’apparition d’un répertoire de création, illustré notamment par le Concerto pour clavecin de Manuel de Falla (1926) et le Concert Champêtre de Francis Poulenc (1928).

Vers 1960, Pleyel alors en déclin tente de relancer l’intérêt en faveur de ses clavecins avec le modèle Trianon, plus petit et d’un design « modern style », mais les instruments historiques s’imposent sans partage. Le dernier clavecin Pleyel est vendu en 1976.

Provenance de l’instrument

Ce clavecin Pleyel n°79259, comme le clavecin Gaveau n°37 acquis par l’Académie Bach au même moment, a appartenu à Marie-Thérèse Phillips née Morel (1905 – 1997), pianiste et claveciniste établie à Bernay, dans l’Eure. Nous savons par les archives de sa famille que le clavecin Pleyel lui fut offert par sa mère en décembre 1940. Résistante au sein du réseau Pat O’Leary, elle fut arrêtée en 1943 et déportée à Ravensbrück. Après la guerre, elle créa une école de musique dans sa maison.

Données techniques

  • numéro de série : 79259
  • dimensions : longueur 252 cm / largeur 107 cm / hauteur 34 cm
  • 2 claviers de 61 notes (fa – fa), touches blanches en ivoire, dièses en ébène
  • diapason : la = 440 Hz
  • disposition : 1×16′ 2×8′ 1×8′ nasal 1×4′
  • sautereaux en bois, avec plectres en delrin posés à une date inconnue
  • 7 pédales en cuivre commandant les registres et l’accouplement des claviers
  • cadre en fonte dorée
  • chevilles micrométriques
  • caisse en acajou
  • état : à restaurer, mais quasiment en état de jeu
  • protection : inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 2024

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